*Voici la première d’une série de contributions dans lesquelles je compte faire le point sur les questions et les méprises les plus courantes entourant le végétarisme, et ce, avec des propos nuancés et des sources crédibles à l’appui. Bonne lecture! – Martin
Quand on parle de végétarisme ou de véganisme, le thème des protéines fait inévitablement surface. Plus précisément, la préoccupation qui circule est la suivante : en disant non à la viande et aux autres produits d’origine animale, on met forcément sa santé en péril. Les aliments de provenance végétale constitueraient une source de protéine incomplète et de moindre qualité, menant assurément à une carence.
Soyons clairs, il s’agit d’un mythe des plus tenaces et il importe de savoir promptement et habilement le réfuter. À cette fin, voici un passage de la prise de position officielle de la Academy of Nutrition and Dietetics (AND) vis-à-vis des régimes végétariens dans le sens large qui inclut aussi le véganisme :
« La préoccupation selon laquelle les végétariens, particulièrement les véganes et les athlètes véganes, ne consommeraient pas une quantité et une qualité adéquates de protéines est sans fondement. Les régimes végétariens incluant une variété de produits végétaux fournissent la même qualité de protéines que les régimes qui incluent de la viande. Les protéines consommées d’une variété d’aliments végétaux fournissent une quantité adéquate d’acides aminés essentiels lorsque l’apport calorique est suffisant. »
Cette affirmation est basée sur l’état actuel des connaissances scientifiques dans le domaine. Il faut savoir que l’AND, avec ses quelque 100 000 membres, n’est rien de moins que la plus importante association de professionnels de la nutrition du monde. D’expérience, cet argument à lui seul suffit pour clore la question lorsque mon entourage, malgré un manque de notions sérieuses en la matière, s’entête à entretenir le mythe.
Il est toutefois vrai qu’une bonne partie des végétaux renferment peu ou pas de certains acides aminés, ces différents blocs qui constituent les protéines. De là est née l’idée de la combinaison des protéines, cette autre croyance répandue selon laquelle il faudrait combiner des aliments au bilan protéique incomplet à chaque repas, donnant une image plutôt compliquée du végétarisme au quotidien. La théorie a pourtant été invalidée par le corps médical et même réfutée par son auteure initiale, Frances Moore Lappé. Encore une fois, l’AND remet les pendules à l’heure dans la suite de l’extrait précédent :
« La combinaison de deux ou plusieurs aliments aux protéines incomplètes n’est pas requise à chaque repas tant que la variété est présente. »
Somme toute, tant qu’elle est variée et fournit un apport calorique convenable, deux conditions tout à fait sensées s’appliquant à tout régime qui se veut sain, une alimentation végétalienne ne présente aucune lacune en matière de protéines. Cette conclusion n’a rien d’étonnant, et ce, pour plusieurs raisons.
Un premier indice : chez l’homme, un maigre 0,8 % du lait maternel est constitué de protéines, un taux parmi les plus bas de tous les mammifères. Si nos corps en requéraient réellement de si grandes quantités, on pourrait s’attendre à ce que cela se reflète dans la composition de ce liquide longuement peaufiné au cours de l’évolution afin de stimuler ce stade crucial de notre croissance.
La plupart des gens ne réalisent peut-être pas que tous les aliments contiennent des protéines. Avec les glucides et les lipides, les fameuses protéines font partie des macronutriments, qui fournissent au corps la grande majorité de son énergie et qui se retrouvent dans tous ce que nous mangeons en proportions différentes.
Croyez-le ou non, toutes les protéines proviennent d’abord des plantes. Si on les a baptisés les acides aminés essentiels, c’est que notre organisme ne les synthétise pas par lui-même et qu’il faut donc les obtenir par l’alimentation. Il en va de même pour l’animal dans lequel on croque, dont les protéines se trouvaient initialement dans les plantes qui l’ont nourri. Notons au passage que les plus grands et puissants mammifères terrestres, incluant l’hippopotame, le rhinocéros et l’éléphant, sont des herbivores qui atteignent cette taille colossale en se nourrissant exclusivement de végétaux.
Si les différences biologiques entre le système digestif de ces animaux et celui de l’homme laissent planer le doute, il suffit de constater les exploits de nombreux athlètes véganes de ce monde. Les exemples probants ne manquent pas : l’homme fort Patrik Baboumian a battu bien des records dans sa discipline, tout comme les Olympiens Kendrick Farris et Carl Lewis, sans oublier la transformation inspirante de l’ultramarathonien Rich Roll.
Mais qu’en est-il du commun des mortels? De façon concrète, il y a consensus chez les autorités en la matière comme quoi l’apport quotidien recommandé en protéines s’approche de 50 g pour les femmes et de 60 g pour les hommes. Notons qu’il ne s’agit pas ici d’un minimum à atteindre pour une bonne santé, mais bel et bien d’une quantité optimale visant à répondre aux besoins de plus de 95% de la population. Or, selon les données de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, la consommation moyenne en protéines par personne dans les pays développés s’élèvait à 103 g par jour entre 2009 et 2011, c’est-à-dire environ le double de la quantité recommandée.
Cet écart s’explique en partie par le fait qu’on associe instinctivement les protéines avec la viande, toutefois sans peut-être se rendre compte que tous les autres aliments en renferment aussi. À notre insu, on se trouve alors à en ingérer en excès. Selon une analyse publiée en 2013 rassemblant 32 études sur la question, les effets à long terme associés à un tel régime hyper protéiné et hyper carné incluent des troubles d’homéostasie calcique et osseuse, de la fonction rénale et de la fonction hépatique, ainsi qu’une augmentation du risque de cancer et une progression accélérée des maladies coronariennes. Cela ne veut pas dire que la viande est un poison, mais plutôt qu’une consommation réduite de produits d’origine animale semble être un choix judicieux selon les données scientifiques.
N’oublions pas non plus que nous ne mangeons pas des nutriments isolés. Il importe de considérer les aliments en tenant compte de l’ensemble de leur bagage nutritionnel. Les protéines animales, bien que complètes, viennent de pair avec des gras saturés, du cholestérol et du sodium (sel). En revanche, les protéines de provenance végétale sont accompagnées d’un bagage positif qui inclut des fibres alimentaires, des vitamines, des minéraux, des antioxydants et des composés phytochimiques (phyto = plantes)
Parlant de fibres, nous en manquons justement. Notre engouement pour la viande, les œufs et les produits laitiers tend à empiéter sur la consommation de fruits et de légumes dans les pays développés, là où l’apport quotidien moyen en fibres s’approcherait de 12 g alors que les recommandations s’élèvent à 30 g.
En quoi les fibres alimentaires sont-elles importantes? Bien qu’elles n’aient pas de valeur nutritionnelle apparente, leur rôle consiste à optimiser le transit intestinal et à favoriser la diversité de notre flore intestinale. L’étude du microbiome est d’ailleurs tout à fait d’actualité, alors que les scientifiques découvrent peu à peu le fonctionnement de cette communauté microbienne qui nous habite et les nombreux effets qu’elle peut avoir sur notre santé.
Pendant ce temps, il n’existe aucun cas recensé de carence protéique dans le cadre d’une alimentation suffisante en calories, ce qui n’empêche pas pour autant les protéines de faire parler d’elles ad nauseam…
Heureusement, vous êtes maintenant outillés du seul argument qu’il vous faut pour trancher la question d’un coup sec : la plus grande association d’experts en nutrition au monde, avec plus de 100 000 membres, a examiné l’ensembles des études scientifiques en la matière et a conclu que, tant qu’une alimentation végétalienne est variée et suffisante en calories (bases fondamentales de tout régime sain), un manque de protéines s’avère une inquiétude non fondée.
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Sources :
[1] Position of the Academy of Nutrition and Dietetics: Vegetarian Diets (2016)
[2] The composition of human milk.
[3] DG Agriculture and Rural Development based on data from FAO
[4] Adverse Effects Associated with Protein Intake above the Recommended Dietary Allowance for Adults.
[5] The Application of Dietary Fibre in Food Industry: Structural Features, Effects on Health and Definition, Obtaining and Analysis of Dietary Fibre: A Review
Stephanie
Quand on pense que même des vegans continuent de nous marteler l’alliance des céréales et des légumineuses… Les mythes sont bien ancrés! Je crois même que le nutritioniste Jérôme Pellet en fait partie. C’est fou. C’est comme pour le soja. Alors qu’il n’y a pas de vrai études sur sa prétendue dangerosité, même sojasun sur son site dit qu’il faut pas en abuser pas plus de deux trois yaourts par jours. Quand les idees reçus deviennent parole d’évangile..
En tout cas merci et bravo pour cet article avec les références des etudes c’est top. Je ne manquerai pas de revenir et d’essayer des recettes ;)
Marie-Ève
Vraiment intéressant, et avec les sources, merci!
J’aurais aimé avoir la source de l’ONU qui dit qu’on consomme trop de protéines?
Aryane @ Valises & Gourmandises
Merci Marie-Ève!
J’ai ajouté le lien dans l’article, le voici: https://ec.europa.eu/agriculture/sites/agriculture/files/markets-and-prices/market-briefs/pdf/06_en.pdf
L’info se trouve dans le tableau 3, à la page 7 :)